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Jardin urbain : un soir pour tout dire, à mots couverts

Réunis dans le hall d'entrée du parc des expositions d'Angers (49), les professionnels ont été amenés à réfléchir aux perspectives du marché du jardin lors de la soirée dédiée aux exposants.PHOTO : JACQUES MOREAU

La soirée réservée aux exposants du dernier Salon du végétal, le 17 février, a été l'occasion de réfléchir aux perspectives du marché du jardin. Un rendez-vous consensuel où les difficultés relationnelles entre producteurs et distributeurs n'ont fait qu'affleurer...

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En introduction à la traditionnelle soirée réservée aux exposants, Frédéric Bourgeolet, président du BHR, a appelé quatre personnalités du monde du jardin à lancer un « moment fort de réflexion » sur les perspectives du jardin en ville. « Puisque l'urbanisation est inéluctable, le jardinage se fera de plus en plus sur des balcons et des terrasses ou de simples rebords de fenêtres. » Autant en avoir conscience et s'y préparer dès maintenant.

Tenir la main du consommateur qui ne sait plus planter

Quatre acteurs du secteur ont été invités : François Félix, président de la FNPHP (Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières), Pascal Franchomme, vice-président de l'Unep (les entreprises du paysage), Thierry Sonalier, directeur de Jardiland, et Stéphane Marie, parrain du salon et animateur de l'émission Silence, ça pousse ! sur France 5. Chacun disposait de cinq minutes pour présenter sa vision du sujet.

François Félix a rappelé que pour avoir un bon jardin il faut de bons ingrédients et de bons végétaux. Un rôle qui incombe aux producteurs. Ces derniers ont donc le souci permanent que les végétaux qu'ils produisent répondent aux attentes. « L'évolution sociétale est énorme et nous ne devons pas passer à côté. Nos entreprises ne sont pas réputées pour leurs travaux en matière de R & D (recherche et développement) ; pourtant nous en menons. Et nous essayons de travailler avec les autres intervenants et organisations pour répondre aux besoins de nature en ville. » Des réponses qui se portent aujourd'hui sur des produits plus sophistiqués, finis et prêts à poser.

Pour Thierry Sonalier, le problème se décline en plusieurs points, en particulier celui de « main verte » et de savoir qui jardine et comment (avec comme corollaire, cette question : « Où commence le jardinage ? ») Pour lui, il faut partir du postulat que les jardins sont de plus en plus petits, ce qui limite les possibilités. Mais il faut répondre au « jardin du quotidien ». Penser qu'une « petite potée de bulbes dans la maison, c'est déjà un jardin ». Il faut aussi que les professionnels de la filière soient « complémentaires pour que le client n'ait pas peur de ne pas avoir la main verte. Et s'il ne sait pas comment planter au quatrième étage de son immeuble, qu'on le fasse pour lui. Il faut aussi apporter des solutions à celui qui veut une palmette sur son balcon : les gens ont connu le jardin nourricier devenu d'agrément. Ils ne l'ont plus, il faut répondre à cette nouvelle donne. Maintenant, cet espace, c'est de la convivialité. »

Stéphane Marie a choisi d'intervenir « à la place du consommateur ». Il a rappelé que ces derniers ne savent souvent pas comment planter, rencontrent des difficultés ne serait-ce que pour creuser un trou de plantation. Dans un monde où les gens jouent et se parlent de manière virtuelle, il pensait que le jardin était une horloge nécessaire. Mais au final, « pas plus que ça, constate-t-il. L'urbain n'a plus de père ou de grand-père pour lui expliquer comment les choses fonctionnent. C'est donc notre rôle d'aller chez lui, de lui prendre la main », estime l'animateur télé qui remarque que lorsqu'il retourne chez les gens qu'il est allé conseiller, « le résultat est là ». Les associations de jardins partagés font le travail, les consommateurs ont besoin de conseils, de coaching, cela paraît insensé mais c'est une réalité.

Pascal Franchomme a constaté, non sans satisfaction, que dans l'ensemble de ces approches, les entreprises du paysage, apportant services et savoir-faire, occupaient une bonne place. Pour lui, le jardin urbain est un « enjeu sociétal mais également un enjeu de santé publique et de climat ». Alors, oui, il y a le balcon du particulier. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer le rôle de l'espace public. Il a rappelé qu'entre un lieu végétalisé et un endroit minéralisé, il peut y avoir une différence de 6 °C, selon une étude anglo-saxonne. Et selon une autre étude menée aux États-Unis, le végétal permet d'abaisser les dépenses de santé de 340 euros par personne. Enfin, la ville doit et peut participer à la baisse du CO2 dans l'atmosphère.

Le label Plante Bleue, ésotérique aux yeux des consommateurs

Le débat qui a suivi a parfois tourné autour des difficultés relationnelles entre les producteurs et les distributeurs. À fleurets mouchetés, mais tout de même... « Nous avons fait de gros efforts pour répondre aux attentes des clients sur l'origine des produits et l'écoresponsabilité. Quels sont les critères de votre politique d'approvisionnement pour accompagner ces efforts ? », a demandé un producteur travaillant avec Jardiland. Thierry Sonalier a répondu que l'enseigne faisait de plus en plus appel à des entreprises certifiées, mais que si le client connaît le Label rouge, et est capable d'identifier Fleur de France, Plante Bleue reste par contre, pour lui, ésotérique. Un autre producteur a demandé à Stéphane Marie comment son émission pouvait accompagner les attentes des consommateurs. Pour l'animateur, Silence, ça pousse ! est là pour donner envie, faire en sorte que les gens cherchent à profiter davantage de ce monde riche qu'est le végétal.

Puis les débats ont porté sur les problèmes d'arrosage, responsables de nombreuses morts de plantes, en particulier pendant les périodes de vacances. Pour Thierry Sonalier, cette situation résume bien une des difficultés actuelles : si des additifs sont ajoutés au substrat pour améliorer sa rétention en eau, c'est bien. Mais en même temps, le consommateur se montre vite méfiant envers des produits chimiques incorporés dans le substrat...

Autre problème vis-à-vis des jeunes générations de consommateurs : le langage. Les noms latins sont réservés aux initiés, il faudra donc que la filière travaille sur le langage à adopter pour se faire comprendre des nouveaux et futurs acheteurs.

Autre question récurrente, faire jardiner des gens qui ne mettent plus le nez dehors. Pour Pascal Franchomme, c'est par le numérique et les objets connectés que passera la résolution du problème. Si les capteurs permettent aux consommateurs d'arroser à bon escient, c'est bien.

Le bon produit est aussi celui qui arrive au bon moment

Est ensuite venue la question du rôle important des collectivités alors que leurs budgets sont en baisse et qu'elles ont du mal à réaliser un fleurissement qui reste de qualité. Pour le vice-président de l'Unep, c'est aux élus de prêcher la bonne parole, de prouver que l'immobilier aura plus de valeur dans une ville verte que dans une collectivité bétonnée. Stéphane Marie a insisté sur la nécessité d'impliquer davantage les habitants, ce que d'autres participants ont appuyé : il ne faut pas toujours compter sur la puissance publique, il faut aussi créer les conditions permettant aux citoyens d'investir eux-mêmes dans leur environnement.

Quant au dernier point de débat, il a porté sur le végétal, les nouveautés et les attentes du public. Pour Thierry Sonalier, il est important d'être sur le marché au bon moment. Parmi les innovations présentées au Salon 2016, il a repéré certains produits promis à un bel avenir, avec de belles couleurs, de beaux pots. « Par contre, je ne suis pas sûr que tout ce qui a été présenté soit intéressant », a-t-il euphémisé. Les objets connectés sont un bon exemple du bon produit qui arrive au bon moment. Ainsi de Parrot, cette sonde qui permet de gérer les besoins de la plante s'adresse aux jeunes, faibles consommateurs de végétaux. Résultat, Jardiland l'a eue avant tout le monde, « mais nous en avons encore en stock », a plus ou moins plaisanté le directeur de l'enseigne.

Le débat du 17 février a certainement ouvert plus de pistes qu'il n'a apporté de réponses, mais il a mis en avant combien les différents métiers de la filière doivent encore aujourd'hui apprendre à mieux communiquer entre eux...

Pascal Fayolle

Le marché De gauche à droite : François Félix (FNPHP), Pascal Franchomme (Unep), Thierry Sonalier (Jardiland) et Stéphane Marie (Silence, ça pousse !) ont donné leur avis sur le marché du jardin urbain.

PHOTO : JACQUES MOREAU

L'innovation S'il y avait, parmi les nouveautés proposées au Salon 2016, des produits prometteurs, quelques professionnels ont souligné qu'« il n'est pas certain que tout ce qui était présenté soit intéressant... »

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Les tendances Le jardin urbain de demain et ses tendances : tel était le thème du jardin de démonstration du Salon du végétal, présenté dans le hall Amphitéa, réservé au pôle Espaces verts. PHOTO : PASCAL FAYOLLE

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

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